Mardi 09 août 2022. Ce que peut la recherche-action

En contexte de recherche-action / recherche-création, le chercheur élargit immanquablement sa panoplie professionnelle tant il est sollicité sur de nombreux registres. Il coordonne des dispositifs, il anime des rencontres, il compose des situations, il régule des relations, sans parler des multiples activités auxquelles il se familiarise dans l’espoir de « faire expérience » avec les personnes concernées par son travail. Peut-il s’y perdre ? Y perdre son métier, sa spécialité ? Qu’est-ce qui fait qu’il reste chercheur alors que, parfois, il est en train de se consacrer à tout autre chose que ce que l’on attend d’un chercheur ?

Dans mon « faire recherche » (en recherche-action), je conserve deux exigences, une exigence d’explicitation et une exigence de mise à l’épreuve. Je ne me cantonne pas à la simple caractérisation des outils et instruments de recherche que je mobilise ; je m’efforce d’expliciter l’ensemble de mon processus de travail, sur toute son étendue : de mon implication personnelle, en passant par les interactions avec les personnes concernées jusqu’aux détails de l’activité, aucun n’étant secondaire. Une recherche est faite de « petits riens » [1], qu’il est facile et confortable d’oublier au profit de la mise en avant de l’outillage le plus formel et le plus ostensible. Combien de fois aurai-je entendu des chercheur·es s’appesantir sur leur montage méthodologique en prenant bien garde de ne jamais apporter de précisions sur la conduite effective de leur travail. J’ai en souvenir une recherche concernant les jeunes de quartiers (la catégorie en soi questionne), plutôt bien financée. Elle a été conduite sous la forme d’entretiens, dont je ne doute pas de la parfaite maîtrise. L’échantillon d’enquête était présenté avec soin. Rien à redire. Mais beaucoup restait à dire, et ne l’était pas. Les jeunes avaient été contacté·es par l’intermédiaire de professionnel·les du social et de militant·es associatif·ves, pour des raisons vraisemblablement d’économie de temps. Les chercheur·es travaillent en flux tendu, sous contrainte temporelle forte car le financement intègre des obligations de rendu très pressantes, à des échéances rapprochées. Prendre le temps de la rencontre, se rendre disponible pour établir des contacts dans un quartier, inscrire les échanges dans une durée respectueuse des rythmes de vie, l’ensemble de ce travail pourtant indispensable risque d’être escamoté car impossible à tenir dans l’économie temporelle inhérente aux modes dominants de financement. Lorsque la relation d’enquête est établie grâce à des intermédiaires, ce fait (méthodologique) ne peut pas être seulement signalé, il demande à être exploré et discuté (explicité). Ce qui se joue entre les intermédiaires et les jeunes reste, sinon, dans l’ombre et représente alors, vraiment, un « texte occulté » de la recherche, alors qu’il y a beaucoup à découvrir et à comprendre. Ces « riens de la recherche », exposés à un commode « circulez, il n’y a rien à voir », sont, hélas, régulièrement passés sous silence au bénéfice d’un « texte officiel » parfaitement lissé et bien rodé qui, lui, affiche bien à tous égards.

Une démarche de recherche-action relève d’un art de l’agencement et de la composition, et la chercheuse s’évertue à faire tenir en relatif équilibre de nombreux outils, moyens ou ressources. Elle bataille pour y parvenir, pour un résultat souvent fragile. La réussite tient à peu. Et, souvent, un petit rien peut venir tout gripper. Je privilégie donc une approche « matérialiste » du travail de recherche en conservant la même estime pour tous les facteurs (de production) qui en permettent la réalisation et en m’efforçant, grâce à un effort soutenu d’explicitation, de les rendre le plus apparents possibles. Je crois en cette nécessité de rendre « lisible, visible et dicible » le processus, dans toute son envergure et dans toute sa portée, afin, au bout du compte, de le rendre « disponible », disponible à la discussion, à la réfutation et à l’appropriation. Mettre à disposition. Amener à portée. Cet effort pour ouvrir à qui le souhaite l’accès au processus, aux premiers concernés en particulier, et faire en sorte qu’il devienne intelligible grâce à une action soutenue de description, de dévoilement et d’explicitation, est d’intérêt majeur. Ce souci d’explicitation crée les conditions de la délibération, au sein d’une communauté épistémique, au sens d’une coopération entre personnes intéressées et concernées. Le texte effectif, concret, matériel de la recherche, à savoir son processus, peut alors être lu (déchiffré, décrypté), à partir de données qui auront été caractérisées (observées, investiguées) et, en conséquence, il va pouvoir être « dit » (parlé, controversé, argumenté). Le processus de la recherche devient, dans ces conditions, accessible à toutes les personnes intéressées, que ce soit d’autres chercheur·es ou les actrices et acteurs du quartier concerné, qui vont ainsi pouvoir s’en saisir, en prendre la mesure et, donc, le situer avec suffisamment de précisions pour pouvoir le soumettre à discussion. Rendre apparent (visible), rendre accessible (lisible), mettre à disposition grâce à un souci constant d’explicitation, il s’agit là d’un principe épistémopolitique auquel je ne déroge pas. Je le nomme « épistémo-politique » car il possède une valeur de recherche (la mise en discussion et en confrontation est un gage de fiabilité) et une valeur démocratique (les personnes concernées ne sont pas dépossédées. La recherche ne fonctionne pas comme prédation). Cette capacité d’explicitation s’éduque ; elle est, pour moi, au cœur d’une formation à la recherche. J’ai appris et cultivé cet art « de voir, de dire et de lire » le processus de recherche, donc de le rendre apparent, grâce à une pratique soutenue du journal et de la correspondance : journal personnel donné à lire à d’autres chercheur·es, mais aussi journal collectif, donc tenu à plusieurs, et, enfin, et peut-être surtout, une activité épistolaire très assidue avec des correspondances entretenues sur une longue durée et à des rythmes parfois intensifs avec plusieurs ami·es chercheur·es. Les pratiques diaristes et épistolaires créent toujours de riches opportunités pour décrire et argumenter des situations professionnelles et pour, progressivement, éduquer une « écriture de l’explicitation ».

Dans l’épistémopolitique « impliquée, située et contextualisée » que je défends (une épistémologie du positionnement), ce souci de rendre apparent le processus de recherche est la condition indispensable pour pouvoir interpeller et questionner les rapports sociaux qui affectent inévitablement la position du chercheur et les conditions de sa recherche. C’est la raison pour laquelle, dans l’exemple que j’ai avancé précédemment, la non prise en compte des interactions entre intermédiaires de l’enquête et personnes enquêtées me gêne particulièrement car elle laisse aveugles les rapports de classe, de race et de genre qui opèrent entre eux.

La deuxième exigence concerne la « fiabilisation » des connaissances produites dans le cadre de la recherche-action / recherche-création. Ce qui spécifie la recherche par rapport à d’autres formes de production de savoirs, tout aussi légitimes, c’est qu’en contexte de recherche les données, interprétations et analyses doivent être éprouvées. Je maintiens cette nécessité, mais en ouvrant significativement ses modalités. J’en retiens particulièrement trois. La première est assez classique ; elle est assurée par la confrontation avec des acquis antérieurs propre au champs concerné, sous la forme d’une mise à l’épreuve, par la lecture, entre ce qui est produit et ce que d’autres autrices et auteurs ont pu caractériser et théoriser. Mes écrits de recherche (action) restent toujours très référencés. Je ne relâche jamais cet effort de venue en lecture pour « éprouver » ce que je tente d’élaborer. La deuxième modalité relève de la constitution d’une « communauté épistémique », associant des chercheur·es partageant peu ou prou les mêmes questionnements. Ce type de collégialité est indispensable pour que vivent les « épreuves » de la recherche, à savoir les réfutations et les validations qui se déterminent au fur et à mesure de l’avancée de la discussion. Une telle « communauté épistémique » n’émerge pas spontanément ; elle doit être instaurée et régulée, en établissant ses règles de fonctionnement et ses modes d’entrée en débat. Elle n’est pas non plus définitivement établie car elle se compose et se recompose en fonction des chantiers. Elle est toujours dédiée à une recherche en particulier ; elle existe donc pour un temps donné et dans une visée spécifique. Avec le réseau des Fabriques de sociologie, mon séminaire « dit » doctoral, l’axe Territoires en expérience(s) du laboratoire Experice et la revue Agencements. Recherches et pratiques sociales en expérimentation, je dispose de riches antériorités de travail qui facilitent grandement l’instauration de telles « communautés épistémiques ». Je n’agis jamais seul ; je suis toujours encordé. À mes chantiers, j’associe toujours des espaces collectifs (des correspondances, des séminaires, des rencontres…) dans lesquels la recherche sera accueillie et discutée. En contexte de recherche-action, la constitution de ces communautés est très ouverte car elle implique l’ensemble des personnes concernées, autant les chercheur·es que les autres actrices et acteurs (des habitant·es, des professionnel·les, des militant·es).

Cet élargissement des « conditions de réfutabilité », par l’implication d’acteurs et actrices autres que les professionnel·les de la recherche, me conduit à un troisième régime de « mise à l’épreuve ». Je l’ai largement développé dans mon ouvrage Quand la sociologie entre dans l’action [2], et je le crois assez spécifique à ma pratique. Je pars du principe qu’en contexte de recherche-action les savoirs de recherche se mettent à l’épreuve des autres savoirs agissant dans le paysage concerné, des savoirs d’expérience, des savoirs militants, des savoirs professionnels… Cette mise à l’épreuve réciproque me semble une disposition stimulante pour « fiabiliser » ce qui s’élabore dans le cadre d’une recherche-action / recherche-création. Elle est profitable à l’ensemble des savoirs concernés qui, parce qu’ils sont confrontés et débattus, haussent leur pertinence et gagne en maturité.

Ces formes d’épreuves assurent donc la fiabilité des connaissances produites. Elles prennent souvent un caractère processuel. Dans la durée, au fur et à mesure de l’avancée du chantier, des observations se vérifient, des interprétations se stabilisent et des analyses se valident grâce à cet effort soutenu pour éprouver et discuter, pour réfuter et corroborer. Cette progressivité est importante à souligner. Il n’existe pas d’épreuve unique et décisive, mais un faisceau de tentatives pour gagner peu à peu en acuité et justesse. De ce point de vue, le « faire recherche » en recherche-action produit des résultats de « qualité recherche ».

Mais ce « faire recherche », avant de se préoccuper de connaître et d’estimer la valeur de ce qui est porté à connaissance, s’inquiète prioritairement de la manière de se rapporter au monde, de traverser des mondes et, possiblement, de contribuer à fabriquer un monde dès lors que la recherche se vit aussi comme mode de faire, comme un registre propice pour fabriquer. Pour le formuler avec l’heureux motif avancé par Tim Ingold [3], cette conception de la recherche incarne un des moyens envisageables pour « entrer en correspondance » avec des mondes et, à chaque fois, bien sûr, avec un monde singulier, comme l’autorisent également l’architecture, le soin, les pratiques paysannes, l’art et les multiples arts de faire artisanaux. Une pratique paysanne, avant d’être production (de légumes, de céréales…), est d’abord attention, considération et soin porté à un sol, à un éco-système et à un milieu vivant. Et c’est parce que cette attention et ce soin existent que cultiver devient possible et qu’une production peut s’envisager. C’est parce que les milieux et éco-systèmes sont ménagés, et parfois magnifiés, qu’ils « supportent » une production.

Cette attention très forte que je porte à l’entrée en rapport / en correspondance pose les bases d’une épistémopolitique radicalement écosophique, qui défait les propensions extractivistes de la science sociale vingtiémiste. Pour moi, en recherche-action / recherche-création, l’enjeu premier n’est pas d’« extraire » du savoir et de produire des connaissances et, certainement pas, de le faire sur le dos des gens au nom de l’autorité d’une institution (l’université) ou d’une science. La première question qui se pose à moi en tant que chercheur est de toujours vérifier ce que je fais aux mondes dans lesquels je suis invité à travailler. Ce qu’il advient d’eux lorsqu’ils sont exposés à un protocole de recherche. Ce à quoi ils s’exposent. Ce dans quoi la dynamique d’enquête les fait entrer. Quand je fais recherche, qu’est-ce que je provoque, en quoi j’affecte le milieu qui m’accueille, quelle perturbation j’occasionne, en quoi ma présence est estimable, dans quelle mesure est-elle dommageable. Les chercheur·es interrogent peu ce qu’ils laissent derrière eux, le chantier terminé. Dans quel (nouvel) état se trouve le monde qui les a accueilli·es après que la recherche ait œuvré ? Cette estimation, cette évaluation de nature écosophique de la façon dont la recherche se rapporte au monde objet/sujet de son action, et des perturbations qu’elle occasionne dans les milieux de vie concernés, fait aujourd’hui nécessité et devrait faire partie des obligations. Il s’agit pour moi d’un critère, plein et entier, pour estimer la valeur d’une recherche.

Une recherche-action est toujours pour moi une occasion unique, une chance extraordinaire, de tenter d’entrer en rapport avec un monde, qui peut m’être lointain, de réussir à voisiner avec lui, de frayer un chemin pour le rejoindre et, surtout, de créer des opportunités pour le rencontrer. La manière de « rencontrer » est décisive. C’est elle qui donne sa valeur aux savoirs produits à l’occasion d’une recherche. La question n’est donc pas, en première intention : est-ce que cette recherche-action a produit des savoirs fiables et pertinents à propos de ce monde singulier au sein duquel elle a œuvré ? La question fondamentale pour juger de ce qui a été fait est plutôt celle-ci : est-ce que ma démarche de recherche-action / recherche-création m’a permis de « rencontrer » autrement ce monde, de correspondre en meilleurs termes avec ses membres (humains et non humains) et de me rapporter à eux et elles de manière suffisamment attentionnée et compréhensive. Finalement, y faire recherche (en recherche-action / recherche-création) se conçoit donc principalement comme une tentative, un défi ou une ambition pour approcher un monde, se lier à lui et, ainsi, de la sorte, mieux entendre, voir, percevoir, sentir ce qu’il est, d’où il vient et à quoi il advient. Y faire recherche est une façon de s’intéresser à ce qu’il advient de lui et d’être concerné peu à peu par ce qui se trame en lui et pour lui. La valeur d’une recherche-action / recherche-création tient donc à la qualité de l’intéressement et du concernement qui aura vu le jour, à cette occasion, pour ce monde-là, précisément. Y faire recherche est un moyen pour cheminer vers lui et, fondamentalement, le rencontrer. Le « faire recherche » est donc une des ressources de la « rencontre », ainsi que peut l’être également une pratique paysanne qui excelle dans la rencontre avec des milieux vivants ou un projet architectural qui, avant de bâtir, se préoccupe de rencontrer les manières d’habiter et les formes d’hospitalité propres à un lieu ou à une communauté.

À la question « que peut la recherche-action / recherche-création », j’avancerais donc l’idée qu’elle crée les conditions d’une rencontre. Et ce motif profondément écosophique, je le décline sur une large palette. Faire recherche en coopération dans des quartiers ou des institutions, c’est donc approcher un monde, se familiariser avec lui, mais aussi le capaciter, lui ouvrir des possibles, l’inviter à cheminer, le confronter parfois à ses contradictions, l’exposer aux injustices et inégalités qui l’affectent. C’est le rencontrer, sans concession, mais avec attention et considération. Et, la recherche assume cette ambition avec les leviers qui sont classiquement les siens, des leviers méthodologiques (observer, par exemple), langagiers (décrire) ou, encore, conceptuels (découvrir).

La recherche-action / recherche-création capacite potentiellement, tendanciellement les mondes dans lesquels elle œuvre. Et, se capaciter c’est imaginer des possibles mais aussi affronter ses démons. Ce processus de capacitation opère beaucoup par expérimentation. Que peut la recherche-action ? Elle crée une disponibilité, par exemple pour expérimenter des droits politiques : le droit pour des habitant·es de faire récit de leur expérience, et d’en faire histoire, le droit d’être informé·es et de mener l’enquête, le droit de faire recherche à propos de questions qui leur importent… Elle élargit, là aussi potentiellement, tendanciellement, les registre d’expérience, en particulier l’une qui m’est chère, l’expérience d’écriture. Dans certains mondes, elle peut être peu investie, et l’être progressivement beaucoup plus, et de manière féconde, par l’entremise du travail de recherche réalisé en coopération. Elle crée, de même, l’opportunité de croiser d’autres mondes. À l’occasion d’une recherche-action, des habitant·es peuvent découvrir les mondes de la décision publique ou ceux de l’université. J’y suis très attaché et je tente toujours d’ouvrir cette possibilité en instaurant à l’université des temps de travail où l’ensemble des actrices et acteurs d’une recherche peuvent se retrouver, indépendamment de leur statut, de leur condition ou de leur spécialité. En tant que chercheur, j’ai cette chance que des habitant·es, des professionnel·les et des militant·es de quartiers populaires m’ouvrent leurs mondes, alors, en retour, en réciprocité, je tente semblablement de déverrouiller les portes de l’université et de leur en permettre l’accès. Enfin, et c’est volontairement que je le signale en dernier, la recherche-action éduque, au sein des mondes qui l’accueille, la capacité à observer, à caractériser des faits et des situations et à les analyser et interpréter de manière suffisamment méthodique. Elle acclimate au sein des mondes qui ne sont pas ceux de la recherche des équipements type « recherche », qui deviendront alors les leurs, en propre, qui finiront par y être complètement assimilés.

Que peut la recherche-action ? Elle peut contribuer à ce que nous nous rapportions de manière plus heureuse aux mondes qui nous environnent. Ce défi écosophique, elle le partage avec beaucoup d’autres activités. Et elle l’engage avec les instruments qui sont les siens. Il est décisif pour le moment contemporain. Que peut la recherche-action / recherche-création ? Elle crée, possiblement, les conditions de la rencontre et contribue à ce que des mondes éloignés se « découvrent ». Elle offre la possibilité de « mieux » correspondre avec des mondes qui nous sont peu familiers. Ce « mieux » recouvrent nombre d’enjeux écologiques, de l’ordre de l’attention, du soin et de la considération. La recherche-action renvoie donc fondamentalement, substantiellement, à des modes d’entrée en rapport et en correspondance, des modes de rencontres riches de ce que la recherche peut apporter, à savoir comme je le soulignais une disponibilité pour expérimenter, un élargissement du champ d’expérience et une appropriation des arts de faire intellectuels, et ceci bien sûr tendanciellement, potentiellement, en tout cas modestement. Une rencontre est toujours capacitée et capacitante, la recherche-action l’est, et elle l’est évidemment avec ses spécificités.

Pascal NICOLAS-LE STRAT, août 2022

[1] Ces « riens » s’apparentent à ce qu’Henry Lefebvre nommera, pour sa part, les « restes ». Pierre Macherey, dans son livre Petits riens (Ornières et dérives du quotidien), l’évoque en ces termes : « Le raisonnement suivi par Lefebvre est donc le suivant : ôtons de la vie humaine tout ce qui lui donne forme manifeste et constitue l’armature de son monde objectif, et ceci supérieurement, suffisamment du moins pour fixer l’attention, du fait de donner lieu à des œuvres durables, identifiables et rationalisables ; cette opération de soustraction dégage un reste : elle fait apparaître un résidu irréductible, qui témoigne de la présence sous-jacente, de la persistance de tout un champ d’élans et d’activités encore à la recherche de leur sens et de leur justification », Le Bord de l’eau éditions, 2009, p. 291.

[2] Pascal NICOLAS-LE STRAT, Quand la sociologie entre dans l’action (La recherche en situation d’expérimentation sociale, artistique ou politique), Éd. du commun, 2018.

[3] In Tim INGOLD, Faire (Anthropologie, archéologie, art, architecture), Éditions Dehors, 2017.